Chapitre 7 : Option C : Installation Complète – Approche Utilitaire
Option C : Installation Complète – Approche Utilitaire
l’Option C : Installation Complète, également désignée comme l’approche utilitaire, qui se distingue des Options A et B par son approche globale et simplifiée de la Mesure et Vérification (M&V). Au lieu de se concentrer sur des systèmes ou équipements isolés, l’Option C embrasse l’ensemble de l’installation ou du bâtiment, utilisant les données de facturation énergétique globales comme source principale d’information pour évaluer les économies. Examinons en détail cette option, ses mécanismes, ses avantages, ses limites, et son contexte d’application privilégié.
Principe Fondamental de l’Option C : L’Approche “Du Compteur au Compteur”
L’Option C, officiellement nommée “Économies Déterminées par la Consommation Totale du Bâtiment (Whole Building)” dans l’IPMVP, adopte une perspective holistique. Elle se base sur l’idée que l’impact net d’un ensemble de mesures d’efficacité énergétique, ou d’un programme d’amélioration continue, se reflète dans la consommation énergétique globale de l’ensemble du bâtiment ou de l’installation. L’Option C utilise donc les factures d’énergie (électricité, gaz naturel, réseau de chaleur, etc.) comme source de données primaires, en comparant la consommation énergétique totale avant et après la mise en œuvre des mesures.
En résumé, l’Option C se caractérise par :
- Vision globale : Évaluation des économies au niveau de l’ensemble du bâtiment ou de l’installation, et non de systèmes isolés.
- Données de facturation : Utilisation des factures d’énergie (données utilitaires) comme source de données principale et souvent unique.
- Comparaison de la consommation globale : Comparaison de la consommation énergétique totale pendant une période de référence (avant projet) et une période de rapport (après projet).
- Ajustements pour les facteurs externes : Nécessité d’ajuster les données pour tenir compte des variations des facteurs externes qui influencent la consommation énergétique (principalement le climat et potentiellement l’occupation ou la production).
Exemple Illustratif : Programme d’Amélioration Continue de la Performance Énergétique d’un Campus Universitaire
Imaginons un vaste programme d’amélioration continue de la performance énergétique mis en œuvre sur un campus universitaire. Ce programme pourrait inclure une multitude de mesures : rénovation de l’éclairage, amélioration de l’isolation de plusieurs bâtiments, optimisation des systèmes de chauffage et de climatisation, sensibilisation des occupants, etc. Dans un tel contexte, l’Option C peut être particulièrement pertinente.
M&V Option C pour un campus universitaire
Dans ce cas, on ne chercherait pas à mesurer les économies de chaque mesure individuellement (ce qui serait complexe et coûteux). On utiliserait l’Option C en se basant sur les factures d’énergie totales du campus (électricité, gaz naturel, réseau de chaleur s’il existe).
Collecte des données de facturation :
- Période de référence : On collecterait les factures d’énergie mensuelles (ou trimestrielles, selon la fréquence de facturation) pour une période de référence avant le début du programme d’amélioration continue (par exemple, les 12 mois précédant le lancement du programme).
- Période de rapport : On collecterait les factures d’énergie mensuelles (ou trimestrielles) pour une période de rapport après la mise en œuvre du programme (par exemple, les 12 mois suivant le début du programme). Il est important que les périodes de référence et de rapport aient une durée similaire (idéalement 12 mois) pour minimiser l’impact des variations saisonnières.
Analyse et ajustements :
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Comparaison brute des consommations : Une première étape consiste à comparer simplement la consommation énergétique totale brute pendant la période de référence et la période de rapport (par exemple, comparer la facture annuelle totale de la période de référence avec la facture annuelle totale de la période de rapport). Cependant, cette comparaison brute peut être trompeuse car elle ne tient pas compte des variations des facteurs externes, notamment le climat.
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Ajustement pour les variations climatiques : La consommation énergétique des bâtiments, en particulier pour le chauffage et la climatisation, est fortement influencée par les conditions climatiques extérieures. Il est essentiel d’ajuster les données de consommation pour tenir compte des variations climatiques entre la période de référence et la période de rapport. L’approche la plus courante est d’utiliser les degrés-jours de chauffage (DJC) et de degrés-jours de climatisation (DJClim).
- Calcul des DJC et DJClim : On calcule les DJC et DJClim pour la période de référence et la période de rapport, en utilisant des données météorologiques locales (station météo proche du campus) ou des données climatiques de référence.
- Normalisation de la consommation : On ajuste la consommation énergétique de la période de rapport (ou de la période de référence) pour la “normaliser” aux conditions climatiques de l’autre période. Plusieurs méthodes de normalisation existent, allant de simples ratios basés sur les DJC/DJClim à des modèles de régression plus sophistiqués. L’objectif est d’estimer quelle aurait été la consommation énergétique si les conditions climatiques avaient été les mêmes pendant les deux périodes.
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Ajustement pour d’autres facteurs (potentiellement) : Dans certains cas, d’autres facteurs que le climat peuvent avoir un impact significatif sur la consommation énergétique globale du bâtiment ou de l’installation, et pourraient nécessiter des ajustements en Option C :
- Variations d’occupation : Si le niveau d’occupation du campus a significativement changé entre la période de référence et la période de rapport (par exemple, augmentation du nombre d’étudiants, extension du campus, etc.), il peut être nécessaire d’ajuster les données pour tenir compte de cet impact. L’ajustement peut être basé sur des données de comptage d’étudiants, de surface occupée, etc.
- Variations de l’activité ou de la production : Pour des installations industrielles ou des bâtiments ayant des activités spécifiques (laboratoires, hôpitaux, etc.), des variations significatives de l’activité ou de la production peuvent impacter la consommation énergétique. Des ajustements peuvent être nécessaires en utilisant des indicateurs d’activité ou de production (par exemple, nombre d’unités produites, heures de fonctionnement des équipements spécifiques).
Calcul des économies d’énergie (exemple campus universitaire Option C) :
Après avoir collecté les données de facturation, calculé les DJC/DJClim, et potentiellement effectué des ajustements pour d’autres facteurs, les économies d’énergie annuelles (ou sur la période de rapport) en Option C peuvent être calculées comme suit :
Économies d’énergie = Consommation énergétique ajustée de la période de référence – Consommation énergétique mesurée de la période de rapport
Ou, si on normalise la période de rapport aux conditions de référence :
Économies d’énergie = Consommation énergétique mesurée de la période de référence – Consommation énergétique ajustée de la période de rapport
Le choix de la période à ajuster dépend de la méthode de normalisation utilisée et de la logique de comparaison.
Méthodologie et Collecte de Données en Option C
La méthodologie de l’Option C se veut relativement simple et pragmatique :
- Définition de la période de référence et de la période de rapport : Choisir des périodes de temps comparables (idéalement 12 mois) avant et après la mise en œuvre du projet.
- Collecte des données de facturation énergétique : Obtenir les factures d’énergie totales (par type d’énergie : électricité, gaz, etc.) pour les périodes de référence et de rapport. S’assurer de la fiabilité et de la complétude des données.
- Collecte des données climatiques : Obtenir des données météorologiques locales (température, ensoleillement, etc.) pour les périodes de référence et de rapport, afin de calculer les DJC et DJClim.
- Identification et collecte des données pour d’autres facteurs d’ajustement (si pertinents) : Identifier si d’autres facteurs que le climat (occupation, activité, production) ont un impact significatif et pour lesquels des données sont disponibles pour réaliser des ajustements.
- Analyse des données et ajustements : Comparer les consommations brutes, calculer les DJC/DJClim, réaliser les ajustements pour les variations climatiques (et autres facteurs si pertinents) en utilisant une méthode appropriée (normalisation par ratios, modèles de régression, etc.).
- Calcul des économies d’énergie : Quantifier les économies d’énergie en comparant la consommation ajustée de la période de référence avec la consommation mesurée de la période de rapport (ou inversement).
- Documentation complète : Documenter l’ensemble du processus de M&V Option C, incluant la description du projet, la portée de la M&V, les sources de données de facturation, les données climatiques, les méthodes d’ajustement, les calculs, les résultats et les conclusions.
Avantages de l’Option C
- Simplicité et facilité de mise en œuvre : L’Option C est conceptuellement simple et relativement facile à mettre en œuvre, car elle se base sur des données de facturation généralement disponibles et ne nécessite pas d’instrumentation complexe.
- Faible coût de mesure : Le coût de la M&V Option C est généralement plus faible que pour les Options A ou B, car elle minimise les besoins en instrumentation spécifique et en collecte de données complexes.
- Adaptée aux projets à l’échelle du bâtiment entier ou de l’installation : L’Option C est particulièrement bien adaptée aux projets qui impactent la consommation énergétique globale du bâtiment ou de l’installation, plutôt que des systèmes isolés.
- Pertinente pour les programmes d’amélioration continue : L’Option C est utile pour suivre la performance énergétique globale d’un bâtiment ou d’un portefeuille de bâtiments dans le cadre de programmes d’amélioration continue, de certifications environnementales (type LEED, HQE), ou de démarches de management de l’énergie (type ISO 50001).
- Alignement avec les données de performance financière et les budgets énergétiques : L’utilisation des factures d’énergie permet de relier directement la M&V aux données financières et aux budgets énergétiques de l’organisation, facilitant la communication et la prise de décision.
- Utile pour le reporting réglementaire et les incitations financières : Dans certains contextes réglementaires ou pour bénéficier d’incitations financières basées sur la performance énergétique globale, l’Option C peut être une méthode de M&V reconnue et acceptée.
Limites de l’Option C
- Moins précise que les Options A et B pour les mesures individuelles : L’Option C, par sa nature globale, ne permet pas d’évaluer précisément l’impact de chaque mesure d’efficacité énergétique individuelle. Elle fournit une vision de l’impact global de l’ensemble des mesures.
- Sensibilité aux facteurs externes non contrôlés : Même avec des ajustements pour le climat et d’autres facteurs, l’Option C peut être influencée par des variations non contrôlées de l’exploitation du bâtiment, des comportements des occupants, des changements d’activité, etc., ce qui peut introduire une incertitude dans l’évaluation des économies.
- Qualité des données de facturation critique : La fiabilité des résultats de l’Option C dépend fortement de la qualité et de la disponibilité des données de facturation énergétique. Des lacunes, des erreurs ou des incohérences dans les données de facturation peuvent compromettre la M&V.
- Moins de granularité et de détails : L’Option C fournit une vision globale, mais manque de granularité et de détails sur la performance énergétique des différents systèmes et équipements du bâtiment. Elle ne permet pas d’identifier précisément les sources d’économies ou les zones de gaspillage énergétique au niveau des systèmes.
- Ajustements parfois complexes et incertains : Réaliser des ajustements précis pour les variations climatiques et d’autres facteurs peut être complexe et introduire des incertitudes, en particulier si les données disponibles pour les ajustements sont limitées ou de qualité incertaine.
Exigences en Matière de Qualité des Données en Option C
La qualité des données de facturation énergétique est primordiale pour la fiabilité de l’Option C. Il est essentiel de s’assurer de :
- Fiabilité des compteurs énergétiques : S’assurer que les compteurs utilisés par les fournisseurs d’énergie (compteurs électriques, compteurs de gaz, compteurs de chaleur) sont précis, régulièrement vérifiés et correctement relevés.
- Complétude et continuité des données de facturation : Obtenir des séries de factures complètes et continues pour les périodes de référence et de rapport, sans lacunes ni interruptions.
- Cohérence des unités et des périodes de facturation : Vérifier que les factures utilisent des unités de mesure cohérentes (kWh, thermies, etc.) et couvrent des périodes de facturation comparables (mensuelles, trimestrielles).
- Validation et nettoyage des données : Effectuer des contrôles qualité des données de facturation pour identifier et corriger d’éventuelles erreurs de saisie, données aberrantes ou incohérences. Croiser les données de facturation avec d’autres sources d’information (relevés de compteurs internes si disponibles, historiques de consommation, etc.).
- Documentation des sources de données : Documenter clairement les sources des données de facturation (fournisseurs d’énergie, numéros de compteurs, périodes de facturation, formats des données, etc.).
Documentation Spécifique à l’Option C
La documentation pour l’Option C doit mettre l’accent sur la transparence du traitement des données de facturation et des ajustements réalisés. Elle doit inclure :
- Description détaillée du projet de M&V Option C : Précisant clairement qu’il s’agit d’une M&V Option C (Installation Complète – Approche Utilitaire), en accord avec l’IPMVP.
- Définition précise de la portée de la M&V : Bâtiment ou installation concerné, limites physiques et opérationnelles, et justification du choix de l’Option C.
- Sources des données de facturation énergétique : Fournisseurs d’énergie, types d’énergie considérés (électricité, gaz, etc.), périodes de facturation de référence et de rapport, format des données.
- Données de facturation brutes : Fournir les données de facturation brutes (sous forme tabulaire ou électronique et accessible).
- Sources des données climatiques : Station météorologique utilisée, périodes de données climatiques, paramètres climatiques utilisés (température, ensoleillement, etc.).
- Calcul des DJC et DJClim : Décrire la méthode de calcul des DJC et DJClim, en précisant les températures de base utilisées. Fournir les valeurs de DJC et DJClim pour les périodes de référence et de rapport.
- Méthodologie d’ajustement climatique (et pour d’autres facteurs) : Décrire en détail la méthode d’ajustement climatique utilisée (normalisation par ratios, modèles de régression, etc.), en justifiant le choix méthodologique et en présentant les équations et les paramètres des modèles. Documenter également les ajustements pour d’autres facteurs si pertinents (occupation, activité, etc.).
- Calcul des économies d’énergie : Présenter clairement les formules utilisées pour quantifier les économies, en indiquant comment les données de facturation brutes et les ajustements sont combinés.
- Résultats des analyses et des calculs : Présenter de manière claire et synthétique les consommations brutes, les consommations ajustées, les économies d’énergie, les incertitudes, les indicateurs de performance, etc.
- Analyse de l’incertitude : Discuter des sources d’incertitude potentielles liées à la qualité des données de facturation, aux méthodes d’ajustement, et aux variations non contrôlées, et évaluer leur impact potentiel sur les résultats.
Applications Appropriées de l’Option C
L’Option C est particulièrement adaptée pour les types de projets et de contextes suivants :
- Programmes d’efficacité énergétique à grande échelle ou portefeuille de bâtiments : Pour suivre la performance globale de vastes programmes d’amélioration énergétique ou de portefeuilles de bâtiments, où une M&V détaillée système par système serait prohibitive en coût et en complexité.
- Projets d’amélioration continue de la performance énergétique : Pour un suivi régulier et simplifié de l’évolution de la performance énergétique globale d’un bâtiment ou d’une organisation dans le temps.
- Certifications environnementales de bâtiments (type LEED, HQE) : Pour démontrer l’atteinte d’objectifs de performance énergétique globale requis par ces certifications.
- Benchmarking énergétique et comparaison de bâtiments : Pour comparer la performance énergétique globale de différents bâtiments similaires en utilisant des indicateurs basés sur les factures d’énergie normalisées.
- Contexte de données de mesure limitées : Lorsque l’accès à des données de mesure détaillées au niveau des systèmes est limité ou coûteux, l’Option C offre une solution pragmatique en utilisant les données de facturation disponibles.
- Budget de M&V très contraint : Dans les situations où le budget alloué à la M&V est extrêmement limité, l’Option C permet de réaliser une M&V de base à faible coût.
En conclusion, l’Option C “Installation Complète – Approche Utilitaire” est une méthode de M&V simple, économique et pragmatique pour évaluer l’impact global de projets d’efficacité énergétique à l’échelle du bâtiment ou de l’installation. Elle est particulièrement utile pour les programmes d’amélioration continue, le benchmarking, et les contextes de données limitées ou de budgets contraints. Cependant, il est essentiel de bien comprendre ses limites en termes de précision et de granularité, de s’assurer de la qualité des données de facturation, et de réaliser des ajustements rigoureux pour tenir compte des facteurs externes (principalement le climat). L’Option C est un outil précieux pour une M&V à large échelle et à faible coût, mais son utilisation doit être justifiée et adaptée aux objectifs spécifiques du projet et aux exigences de précision.