Chapitre 22 : Étude de Cas 1 : Application Pratique de l’Option C dans un Bâtiment Commercial
Étude de Cas 1 : Application Pratique de l’Option C dans un Bâtiment Commercial
Vous proposez ici une approche très concrète et pédagogique pour illustrer l’application de la M&V : l’étude de cas. Une étude de cas permet de descendre dans les détails d’un projet réel et de comprendre pas à pas comment les principes de la M&V sont mis en œuvre dans un contexte opérationnel. Cette première étude de cas, axée sur l’Option C (Installation Complète) dans un bâtiment commercial, est particulièrement pertinente car l’Option C est fréquemment utilisée pour les projets de rénovation énergétique globale de bâtiments existants. Explorons ensemble les différents aspects de cette étude de cas fictive, mais réaliste, pour bien comprendre l’application pratique de l’Option C.
Contexte du Projet : Un Immeuble de Bureaux Urbain
Imaginez un immeuble de bureaux de 10 étages, construit dans les années 1980, situé dans un centre-ville à climat tempéré. Le bâtiment héberge diverses entreprises et services, avec une occupation variable selon les étages et les jours de la semaine. Le système de Chauffage, Ventilation et Climatisation (CVC) d’origine est vieillissant et peu performant. L’éclairage est principalement constitué de tubes fluorescents T12 et T8, également obsolètes et énergivores. L’isolation de l’enveloppe du bâtiment est limitée et les fenêtres sont d’origine simple vitrage.
Face à des coûts énergétiques élevés et croissants, à un confort thermique insatisfaisant pour les occupants (surtout en été et en hiver), et à une préoccupation environnementale grandissante, le propriétaire du bâtiment décide de lancer un projet de rénovation énergétique globale. L’objectif principal est de réduire significativement la consommation énergétique du bâtiment tout en améliorant le confort des occupants et en valorisant le patrimoine immobilier.
Mesures d’Efficacité Énergétique Mises en Œuvre
Le projet de rénovation énergétique globale comprend un ensemble de mesures interdépendantes agissant sur différents postes de consommation :
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Amélioration de l’Enveloppe du Bâtiment :
- Isolation thermique renforcée des murs extérieurs par l’intérieur et des combles.
- Remplacement des fenêtres simple vitrage par des fenêtres double vitrage performantes à faible émissivité et à isolation thermique renforcée.
- Installation de stores extérieurs pour limiter les apports solaires en été.
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Modernisation du Système de Chauffage, Ventilation et Climatisation (CVC) :
- *Remplacement de la chaudière gaz obsolète par une chaudière gaz à condensation haute performance.”
- Installation d’un système de ventilation mécanique contrôlée (VMC) double flux avec récupération de chaleur pour améliorer la qualité de l’air intérieur et réduire les pertes de chaleur liées à la ventilation.
- Optimisation du système de régulation CVC avec programmation horaire et sonde extérieure.
- *Remplacement des anciens climatiseurs individuels énergivores par un système de climatisation centralisé plus performant et moins consommateur d’énergie.
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Rénovation du Système d’Éclairage :
- Remplacement de l’ensemble des tubes fluorescents T12 et T8 par des luminaires LED haute efficacité, avec des niveaux d’éclairement optimisés et un meilleur confort visuel.*
- Mise en place de détecteurs de présence dans les zones de circulation et les sanitaires pour éteindre automatiquement l’éclairage en cas d’inoccupation.
- Installation de détecteurs de lumière du jour (daylight harvesting) dans les bureaux situés en périphérie du bâtiment pour diminuer automatiquement l’intensité de l’éclairage artificiel en fonction de l’apport de lumière naturelle.
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Autres Mesures :
- Sensibilisation des occupants aux bonnes pratiques d’utilisation de l’énergie (éteindre les lumières en quittant les bureaux, ne pas surchauffer ou surclimater, etc.).
- Suivi continu de la consommation énergétique après travaux pour identifier les axes d’optimisation et pérenniser les économies.
Plan de M&V Développé : Choix de l’Option C (Installation Complète)
Compte tenu de la nature globale du projet, qui impacte l’ensemble du bâtiment et tous les postes de consommation énergétique, et de la volonté d’évaluer l’impact combiné de toutes les mesures, l’Option C (Installation Complète) de l’IPMVP a été jugée la plus appropriée.
Justification du Choix de l’Option C :
- Projet de rénovation énergétique globale : L’Option C est particulièrement adaptée aux projets qui modifient significativement la consommation énergétique totale du bâtiment, comme c’est le cas ici.
- Mesures interdépendantes et synergiques : Les mesures mises en œuvre agissent en synergie (par exemple, l’isolation réduit les besoins de chauffage et de climatisation, l’éclairage LED réduit la charge thermique). L’Option C permet d’évaluer l’effet global de ces interactions.
- Simplicité de mise en œuvre et coûts de M&V limités : L’Option C utilise les données de facturation énergétique existantes, ce qui simplifie la collecte de données et limite les coûts de M&V (pas besoin d’installer de nouveaux compteurs spécifiques).
- Objectif : évaluer l’impact global sur la facture énergétique : L’objectif principal est de réduire la facture énergétique totale du bâtiment. L’Option C est directement alignée avec cet objectif.
Plan de M&V Option C :
- Période de référence (ligne de base) : Les 12 mois précédant le début des travaux ont été retenus comme période de référence. Cette période permet de disposer d’une année complète de données de consommation avant projet, intégrant les variations saisonnières (chauffage, climatisation).
- Période de rapport (période de mesure des économies) : Les 12 mois suivant la fin des travaux ont été définis comme période de rapport. Cette durée permet d’évaluer les économies sur une année complète après projet.
- Données de la ligne de base et de la période de rapport : Factures d’énergie mensuelles pour l’ensemble du bâtiment :
- Consommation d’électricité (kWh)
- Consommation de gaz naturel (kWh ou m³)
- Éventuellement, consommation de fioul (si applicable avant projet)
- Ajustements : Ajustements climatiques indispensables : L’Option C, basée sur la consommation globale, est très sensible aux variations climatiques. Des ajustements climatiques sont donc essentiels pour tenir compte des différences de conditions climatiques entre la période de référence et la période de rapport et isoler l’effet des mesures d’efficacité énergétique. La méthode d’ajustement climatique retenue est la régression linéaire climatique, utilisant les Degrés-Jours de Chauffage (DJC) et les Degrés-Jours de Refroidissement (DJR) comme variables climatiques.
Données de Facturation Énergétique Collectées
Les factures d’énergie mensuelles ont été collectées pour une période de 24 mois au total : 12 mois de période de référence (avant travaux) et 12 mois de période de rapport (après travaux). Les données collectées incluent :
- Consommation d’électricité mensuelle (kWh) : Relevée sur les factures du fournisseur d’électricité.
- Consommation de gaz naturel mensuelle (kWh) : Relevée sur les factures du fournisseur de gaz.
- Données climatiques mensuelles (DJC et DJR) : Obtenues auprès d’une station météorologique locale et représentative du climat du site du bâtiment.
Calculs d’Économies Réalisés : Méthode de Régression Linéaire Climatique
Pour calculer les économies d’énergie nettes, la méthode de la régression linéaire climatique a été appliquée, conformément aux bonnes pratiques pour l’Option C :
Étape 1 : Établissement du Modèle de Ligne de Base Climatique (Période de Référence)
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Un modèle de régression linéaire multivariée a été établi en utilisant les données de consommation énergétique mensuelles totales (électricité + gaz) de la période de référence (12 mois) comme variable dépendante, et les Degrés-Jours de Chauffage (DJC) mensuels et les Degrés-Jours de Refroidissement (DJR) mensuels de la période de référence comme variables indépendantes.
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Le modèle de régression a la forme suivante :
Consommation énergétique mensuelle (ligne de base) = Constante + (Coefficient DJC x DJC mensuel) + (Coefficient DJR x DJR mensuel)
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Le modèle de régression a été calibré (coefficients calculés) en utilisant les données de la période de référence. Le coefficient de détermination R² du modèle était satisfaisant (R² > 0.8), indiquant une bonne corrélation entre la consommation énergétique et les variables climatiques.
Étape 2 : Estimation de la Consommation Énergétique Évitée (Période de Rapport)
- Le modèle de ligne de base climatique (calibré à l’étape 1) a été utilisé pour estimer la consommation énergétique qu’aurait eue le bâtiment pendant la période de rapport s’il n’y avait pas eu les travaux de rénovation. Pour cela, on a utilisé les DJC et DJR réels de la période de rapport et on a appliqué le modèle de régression établi à l’étape 1.
- Cette consommation énergétique estimée représente la consommation énergétique de la ligne de base ajustée aux conditions climatiques de la période de rapport.
Étape 3 : Calcul des Économies d’Énergie Nettes (Période de Rapport)
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Les économies d’énergie nettes mensuelles ont été calculées en soustrayant la consommation énergétique réelle mensuelle de la période de rapport à la consommation énergétique estimée (ligne de base ajustée) mensuelle (calculée à l’étape 2).
Économies d’énergie mensuelles = Consommation énergétique estimée (ligne de base ajustée) – Consommation énergétique réelle (période de rapport)
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Les économies d’énergie annuelles totales ont été obtenues en sommant les économies d’énergie mensuelles sur les 12 mois de la période de rapport.
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Le pourcentage d’économies d’énergie a été calculé en rapportant les économies d’énergie annuelles totales à la consommation énergétique annuelle totale de la période de référence.
Résultats Obtenus : Économies d’Énergie Significatives
Les résultats de la M&V Option C ont mis en évidence des économies d’énergie significatives suite au projet de rénovation énergétique globale :
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- Économies d’énergie annuelles totales : 35% par rapport à la période de référence.
- Réduction de la consommation d’électricité annuelle : 30%
- Réduction de la consommation de gaz naturel annuelle : 40%
- Retour sur investissement (ROI) estimé du projet : 8 ans (grâce aux économies d’énergie).
- Amélioration notable du confort thermique constatée par les occupants (moins de plaintes concernant le froid en hiver et la chaleur en été).
- Amélioration de la qualité de l’air intérieur grâce à la VMC double flux.
- Valorisation du patrimoine immobilier du bâtiment.
- Réduction de l’empreinte carbone du bâtiment.
Ces résultats probants ont permis de valider le succès du projet de rénovation énergétique et de justifier les investissements réalisés. Ils ont également démontré l’efficacité de la M&V Option C pour évaluer les économies d’énergie d’un projet global dans un bâtiment commercial.
Leçons Apprises de l’Expérience : Avantages et Défis de l’Option C
Cette étude de cas met en lumière les avantages et les défis de l’application de l’Option C (Installation Complète) dans un contexte réel :
Avantages de l’Option C constatés :
- Simplicité de mise en œuvre et coûts de M&V limités : L’utilisation des données de facturation existantes simplifie considérablement la collecte de données et réduit les coûts de M&V, rendant la M&V plus accessible pour ce type de projet.
- Adaptée aux projets globaux et aux mesures interdépendantes : L’Option C permet d’évaluer l’impact combiné et synergique de l’ensemble des mesures, ce qui est essentiel pour les rénovations globales.
- Communication simple et intuitive des résultats : Le pourcentage d’économies sur la facture énergétique totale est un indicateur facile à comprendre et à communiquer aux parties prenantes (propriétaires, occupants, financeurs).
- Facilitation de l’accès aux financements et aux incitations : Une M&V crédible basée sur l’Option C renforce la confiance des financeurs et facilite l’accès aux incitations publiques pour les projets de rénovation énergétique.
Défis et considérations à prendre en compte avec l’Option C :
- Nécessité d’ajustements climatiques rigoureux : L’Option C est très sensible aux variations climatiques. Des ajustements climatiques précis et robustes sont indispensables pour isoler l’effet des mesures d’efficacité énergétique. Le choix de la méthode d’ajustement climatique et la qualité des données climatiques sont cruciaux.
- Sensibilité aux facteurs non CVC : La consommation énergétique totale du bâtiment peut être influencée par d’autres facteurs que les mesures CVC (variations d’occupation, modifications d’équipements non CVC, etc.). Il est important de surveiller si des facteurs non CVC ont significativement changé entre les périodes de référence et de rapport et, si nécessaire, de réaliser des ajustements supplémentaires (avec prudence et documentation). Dans cette étude de cas, l’occupation du bâtiment est restée relativement stable, limitant l’impact des facteurs non CVC.
- Manque de détail et de diagnostic précis : L’Option C, basée sur la consommation globale, ne permet pas d’évaluer précisément la performance des composants spécifiques du système (chaudière, éclairage, etc.). Pour un diagnostic plus fin et pour optimiser davantage les systèmes, des options de M&V plus détaillées (Options B ou D) pourraient être envisagées en complément de l’Option C pour des analyses ponctuelles ou pour des actions de Commissioning Continu.
- Importance de la qualité des données de facturation : La fiabilité de l’Option C dépend directement de la qualité et de la disponibilité des données de facturation énergétique. S’assurer de disposer de données de facturation complètes, fiables, et horodatées pour les périodes de référence et de rapport.
En conclusion, cette étude de cas illustre de manière concrète l’application réussie de l’Option C pour la M&V d’un projet de rénovation énergétique globale dans un bâtiment commercial. L’Option C s’est avérée être une méthode pertinente, pragmatique, et rentable pour ce type de projet, permettant de démontrer de manière crédible les économies d’énergie significatives générées et de valider le succès de la démarche. Cependant, elle souligne également l’importance des ajustements climatiques rigoureux et la nécessité de prendre en compte les limites de l’Option C en termes de niveau de détail et de sensibilité aux facteurs non CVC.